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15 juin 2010

Exposition : L'Art et la Matière

L'Art et la Matière.jpgLes Métiers d’Art s’invitent et vous dévoilent leurs savoir-faire (sculpture, céramique, ébénisterie, vitrail, orfèvrerie...).
C'est au point de rencontre entre l'art et la matière que le Pays d'art et d'histoire du Puy-en-Velay nous a donné rendez-vous pour une mise en lumière de treize parcours singuliers. Traitées comme du noir et blanc, les couleurs du photographe Vincent Jolfre portent leur éclairage sur l'artisan d'art à l'œuvre. De cette perception de la réalité émane une force proche de la peinture. L'écriture, quant à elle, apporte une dimension musicale à l'ensemble, révélant par son alternance de mots et de silences un art de faire et de vivre. Ainsi, l'un et l'autre, nous ouvrons un espace de contemplation, nécessaire tant à l'art qu'à la vie !

Rendez-vous tout l'été au 23, rue des Tables au Puy-en-Velay.
Horaires d’ouverture : 7 jours sur 7
juin et septembre : de 10h30 à 12h et de 14h30 à 18h
juillet et août : de 10h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h30


chapat ok.jpgÀ fleur de peau
C'est parce qu'il avait « mis ça dans sa tête », qu'après avoir travaillé à Siaugues-Saint-Romain dans la protection par électrolyse des métaux, que Jacques Chapat est devenu Jack le Tan's. Situé à Espaly Saint-Marcel dans l'ancienne maison Canard – alors seul tanneur en Haute-Loire auprès duquel il passa trois ans d'apprentissage –, son atelier a tout d'une caverne. Aux murs, les arabesques de la tapisserie se disputent l'espace avec les toiles d'araignées tandis que sur des tréteaux s'amoncellent toutes sortes de peaux : poil ras et velouté du lapin rex, camaïeux fauves du renard, mouton de Toscane… Un désordre au sein duquel il se retrouve !
Fraîches, préalablement salées ou séchées, les peaux sont trempées dans une coudreuse. On les brasse pour les dessaler puis vient l'écharnage en machine ou à la main. Posée sur un demi-cylindre, chaque peau est alors travaillée à l'ancienne à l'aide d'un couteau. « On travaille avec l'angle, il faut faire attention à ne pas percer. » Tout un art ! Puis viennent le dégraissage et le tannage à l'eau tiède et au savon à Ph neutre dans de grands foulons en bois qui tournent telles des machines à laver d'un autre temps. Plus tard, on nourrit les peaux aux huiles émulsionnables que l'on applique côté chair. On les sèche, juste comme il faut, puis on les assouplit au palisson, sorte de meule munie de lames arrondies qui permettent de finir le dessous.
De l'atelier rivière à celui de finition, ce qui au départ n'est qu'une simple dépouille trouve ici le lustre d'une seconde vie. « Ce qui me plaît c'est d'éviter le fait que les animaux ne meurent complètement, qu'on puisse conserver au moins la peau. » Et c'est bien à cela que s'emploie le tanneur qui travaille la fourrure à façon. Œuvrant à fleur de peau, il s'adonne à un dialogue permanent entre vie et mort !

martin ok.jpgLe cinquième élément
Son premier contact avec la forge, Frédéric Martin, le vécut auprès du poêle à charbon de ses parents. « J'avais 14 ans, je forgeais sur des rails de chemin de fer, un tisonnier, une pince à feu, des bricoles… » Une étincelle d'où jaillit un compagnon du Tour de France. Formé aux forges d'Arts de l'Amezule (en Meurthe-et-Moselle) par un patron éclairé, de 1989 à 2000, il change chaque année d'entreprise, un apprentissage sur les routes ponctué de séjours en Allemagne où en Suisse pour s'ouvrir à « d'autres façons de penser ».
Au final, il livre un « travail de réception » sous la forme d'une métaphore à trois dimensions, intitulé Du voyage au savoir et qui rappelle le parcours des compagnons. Après un départ tumultueux, trois rubans nervurés liés entre eux forment une tresse pour se fondre les uns dans les autres et ne faire qu'une section rectangulaire sur les ouvrants d'une porte. À la manière de lignes de vie, les nervures qui les parcourent suivent elles aussi une évolution. De nombreuses fois entrecoupées dans le départ, elles s'assagissent puis s'estompent pour presque disparaître et laisser place à une section plus parfaite sur les ouvrants, au moment où les fers sont polis. La patine en dégradé d'une couleur ocre et brun sombre passe par des reflets mordorés pour finir poli miroir, couleur or. « Le savoir est celui transmis par les Anciens. Il s'agit de l'expérience. » C'est elle qui trace la voie !
Ainsi en 2005, il crée Élémenta, en référence aux quatre éléments qui entrent en oeuvre dans son travail : l'eau, la terre, le fer et l'air. Quant au cinquième – le ferronnier –, il se dresse au pied de l'enclume. Fasciné par l'art roman, il crée des ouvrages contemporains qui, tout comme ses restaurations, font appel à une profonde intelligence du geste. À tenter de retrouver la chronologie, d'essayer de comprendre l'état d'esprit d'une époque – « les gens pensaient simple » – , Frédéric Martin s'est forgé un style inspiré bien à lui. « Si on oublie le motif au profit de la densité alors on perçoit une très forte rythmique. » Telle est sa vision d'un art à la fois ésotérique et terre à terre !

marcaggi ok.jpgL'art et la matière
En ce début de printemps 2010, Jean-Marie Marcaggi a fait de son atelier une page blanche. Derrière l'ordre apparent, le chaos d'une œuvre à venir signale déjà sa présence. Installé en 1975, le céramiste connaît d'abord une période faste qui coïncide avec la grande vague du « retour à la nature ». Il affine sa technique et, en 1980, à la faveur d'un émail surgi accidentellement du four, il entre dans sa « période rouge ». « En céramique on ne fait pas toujours ce que l’on veut, la marge d’incertitude est grande, quelquefois démesurée. » Accroché dans un coin de l'atelier, un tableau des phases cristallines signale sur un diagramme les différents points de fusion. La couleur est un travail qui s'effectue pour ainsi dire « à l'aveugle ». Avant cuisson, les émaux ont l'aspect d'une couche cendreuse, le rouge est beige, le turquoise gris… C'est la fusion dans le four qui révèle matières et couleurs. Entre l'intention et la réalisation, un passage obligé à 1300°C !
« Les prouesses passent aujourd'hui pour moi au second plan. J'utilise la technique comme un outil, c'est tout. Je recherche plus de liberté dans l'approche esthétique et expressive. » C'est par cette quête du rapport direct avec la matière que s'affirme sa maturité artistique.
Au sortir d'une période de remise en question, l'artisan d'art s'oriente vers une autre façon de faire des émaux – mats – afin de « faire passer l'expression, la densité, la profondeur ». Il s'origine dans la recherche de couleurs propres aux fresques. Et pour ce faire, dans le secret de son atelier, il fait des gammes sur de petites dalles de terre. « Lorsque je fais un essai, au bout de quelques années, il arrive qu’il ne soit plus du tout valable. Les compositions des constituants minéraux peuvent varier dans le temps. C'est un réajustement perpétuel. » Quant à la forme, il la souhaite naturelle, tel un galet abrasé par les courants violents d'une rivière.

Textes : Corinne Pradier / Photographies : © Vincent Jolfre

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