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19 août 2018

●●● Le jour viendra du cœur de la nuit

Alors que je traverse cet entre-deux, moment où l'esprit écrit sans que les doigts ne parviennent au clavier (ou la main au stylo), dans ce bruyant silence, je relis certains de mes écrits. Espérant comme par magie que de sourdes colères ou sombres mélancolies disent ce qu'elles ont à dire de l'amère folie. Le jour viendra du cœur de la nuit !

[…] Comment décrire la densité particulière de ce pays élimé par le gel et les vents ? Tout se tait et tout parle en lui. Il faut en laisser un peu de côté dans le pli des fossés. S’oublier. Frotter ses paumes à la chair de granit, guetter l’éclat de rire des sorbiers, tendre l’oreille jusqu’à dépouiller le silence des voix et des bruits qui le hantent. Alors, et alors seulement, se laisser prendre durablement. Par ces ciels bleu gris où se perd un cheval de trait hérissé de barbelés, ces verts tendres qui ressurgissent sous une pluie d’été, ces toiles noires tissées d’étoiles filantes, ces pierres plantées par on ne sait qui, on ne sait quand… Courir les bois, le liseret des jardins gras, avec un ou deux livres en poche que l’on n’ouvrira pas parce que le dehors est plus fort. Rentrer se mettre à l’abri tout en sachant que l’on n’y est pas. Ouvrir un livre de Ponge, La Fabrique du pré ou La Petite Suite vivaraise, nés à deux pas de nos propres pas. Rêver intensément et revenir au vrai. Tailler une tranche épaisse dans un saucisson de cochon, ôter sa peau de cendre ou pas. Manger un pain noir et lourd, peler une ratte et se persuader que personne, jamais, ne nous empêchera de ressemer nous-mêmes tout ce qui a été récolté. Se mettre à l’écart, résister !

Extrait du "Grand écart", chapitre que j'ai consacré au Vivarais-Lignon, paru l'an dernier dans La Haute-Loire de toute façon, aux éditions Hauteur d'Homme.

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